Electricité solaire à Sées ?
Une enquête publique pour l’installation d’une centrale photovoltaïque à Sées
En cette fin d’année 2010 (du 3 décembre 2010 au 3 janvier 2011), une enquête publique est lancée pour recueillir l’avis de la population sur l’installation d’une centrale de production d’électricité photovoltaïque sur la commune de Sées. A l’heure du développement nécessaire des énergies renouvelables, ce projet semble toutefois ne pas soulever de tempête dans le bourg, contrairement à ce qui se passe lors des projets souhaitant l’implantation d’éoliennes. Pourtant ce projet est-il vraiment raisonnable ? L’Association Faune et Flore de l’Orne a consulté le dossier et rendu ses conclusions.
Le projet
Le projet de création d’une centrale photovoltaïque sur la commune de Sées résulte d’un appel d’offres du MEDDEM relatif à la construction d’une centrale solaire par région. Dans un contexte favorable au développement des énergies renouvelables et beaucoup moins polémique que l’installation d’éoliennes, la Ville de Sées est favorable à l’implantation d’une telle installation. Présentée par EDF Énergies Nouvelles, la centrale, d’une puissance de près de 10 Mégawatts crête, doit est réalisée sur un terrain de plus de 22 hectares en zone d’aménagement concertée située au croisement des deux autoroutes A28 (Le Mans - Alençon - Rouen) et A88 (Sées - Argentan - Falaise).
La position de l’AFFO
L’AFFO s’est rendue à la mairie de Sées pour prendre connaissance du dossier d’enquête publique. Après examen de l’étude d’impact un courrier a été rédigé et remis en main propre au commissaire-enquêteur afin de lui expliciter nos positions.
Si l’AFFO reconnaît le bien fondé du développement du photovoltaïque nous précisons « Que ce soit dans le domaine du solaire, de l’éolien, de la géothermie ou autre, tout nouveau projet doit d’abord s’accompagner de mesures d’économie d’énergie à la hauteur des enjeux que représentent les problèmes d’approvisionnement énergétique, de protection de notre environnement (naturaliste ou paysager) et de maîtrise des émissions de gaz à effet de serre. »
Bien entendu, ce n’est pas le seul reproche que nous faisons à ce projet qui : « projette de geler plus de 22 hectares de terres agricoles pour installer cette centrale alors qu’à quelques mètres de là de nombreux hectares de bâtiments avec des toits « inoccupés » vont pousser ! ». Nous nous trouvons en effet là devant un exemple type de « bétonisation » des terres agricoles qui consomment à l’heure actuelle l’équivalent d’un département tous les 7 ans ! Il faut que cette surconsommation de terres agricoles ou d’espaces naturels cesse rapidement.
Pour remédier à ce problème : « L’implantation de panneaux photovoltaïques sur des bâtiments existants ne gèle pas de nouvelles terres agricoles. Mais y a-t-il suffisamment de toits disponibles dans les environs de Sées et à Sées même ? ». La réponse est bien évidemment « Oui ! », ce que nous montrons dans la suite du courrier surtout que « Les bâtiments de logistique prévus dans cette même ZAC : à notre connaissance aucun ne portera de panneaux. », entre autres propositions et les nombreux exemples que nous donnons à la suite.
D’autres raisons, moins « graves » à notre point de vue, sont également passées en revue. Pour lire la lettre de l’AFFO cliquez ici. (Il faudrait que le lien renvoie vers la partie privée du site. Est-ce possible ? Fichier 10_541.pdf). En fin de courrier, l’AFFO concluait ainsi : « (…) nous émettons un avis très négatif au projet de centrale solaire photovoltaïque présenté par EDF EN et nous vous demandons, Monsieur le Commissaire Enquêteur, d’émettre un avis défavorable à l’issue de cette enquête publique. Espérant être entendus et suivis, nous vous prions d’agréer, (…) ».
L’avis de l’autorité environnementale :
L’autorité environnementale a analysé le dossier et donne ses remarques sur deux pages de texte qui se concluent par cette synthèse :
Lire l’avis dans sa totalité
Les conclusions du commissaire enquêteur :
A l’issue de l’enquête publique le commissaire a rendu son avis. Il a d’abord émis des observations sur les trois points soulevés par les personnes ayant déposé : la localisation du projet, l’atteinte aux terres agricoles et le souhait d’implantation des panneaux sur les toits.
A - LES OBSERVATIONS
A.1) sur la localisation du projet : il note que ce projet s’inscrit dans une ZAC qui avait reçu l’approbation d’une modification de son règlement pour pouvoir implanter en son sein un dispositif de production d’énergie. Par ailleurs, il précise qu’ « il n’y avait eu aucune observation lors de l’enquête publique correspondante ». De plus « avec la crise mondiale la ZAC n’est pas utilisée » : il n’y a pas d’entreprise à s’installer et donc le projet d’installation de centrale solaire c’est toujours cela de pris ! Sur la possibilité de s’installer à Surdon (proposition de 6 agriculteurs de la région de Sées) le commissaire enquêteur fait remarquer que cela « nécessiterait des travaux préalables de réhabilitation du site probablement très longs à entreprendre et à réaliser et contraires à l’esprit du plan » (eu égard à la rapidité de la réalisation souhaitée et au prix de l’installation [notation des soumissions]).
Commentaires de l’AFFO :
Ces arguments, concernant Surdon, nous font bondir ! Cette proposition n’avait pas été faite par nous, mais a posteriori elle nous semble tout à fait pertinente. Si le site de Surdon est dans l’état décrit par le commissaire enquêteur, il en est de la responsabilité de la SNCF et de l’État. Combien de fois l’AFFO a-t-elle demandé à ce que le site soit réhabilité et dépollué ? Combien de fois le silence est-il venu comme seule réponse ? Quand l’État prendra-t-il et assumera-t-il ses responsabilités dans ce dossier ? Quand l’État fera-t-il « les travaux préalables de réhabilitation du site probablement très longs à entreprendre et à réaliser », voire très coûteux ? Car là nous avions, effectivement, un site tout à fait crédible pour une telle installation !
A.2) sur l’atteinte aux terres agricoles : Le commissaire enquêteur note « la consommation importante de terrains agricoles au cours des 4 dernières décennies (…) ne peut laisser indifférent même si, inévitable, elle correspondait au fort développement connu sur l’ensemble du territoire national durant cette période. » et que « la centrale sera implantée sur une ZAC mise en place dans le respect de la réglementation. »
A.3) sur le souhait d’implantation des panneaux sur les toits : le commissaire enquêteur expose son point de vue « la nécessité de 70 000 m² de panneaux sur diverses toitures, en supposant qu’une telle surface soit disponible, poserait de nombreux problèmes techniques (détaillés sur plusieurs lignes de texte) et des problèmes de droit de propriété pour la création mais aussi pour l’exploitation et l’entretien des installations. » et précise que « cela étant, à plus petite échelle, dans des quartiers nouveaux, dans des ZAC, dans des centres administratifs ou industriels nouveaux et, d’une manière générale, dans des ensembles cohérents, l’orientation vers la pose de panneaux solaires sur les toitures commence à se développer et doit être encouragée. »
Commentaires de l’AFFO :
Bref sur toutes ces remarques, le commissaire enquêteur partage le plus souvent notre avis et notre sentiment … mais … pas ici à Sées, pas dans ce cadre ! Ailleurs, plus tard … mais laissez moi tranquille, ce n’est pas moi qui lancerais une telle prise en compte des enjeux environnementaux pour l’installation de telles centrales sur des bonnes terres agricoles à côté de toitures qui resteront désespérément vierges de tout panneau photovoltaïque ! Quel courage et quel engagement !
B - LES CONCLUSIONS
Le commissaire enquêteur expose alors ses conclusions. Nous ne reprenons là que celles que nous jugeons intéressantes quant aux remarques que nous avions formulées.
« - le choix de l’implantation en ZAC (…) permet d’éviter de recourir encore à l’utilisation de terrains agricoles dans un secteur qui a déjà subi dans ce domaine une forte pression en raison d’aménagements antérieurs d’intérêt général,
- (…)
- les atteintes à la flore et à la faune ne sont pas à craindre (…). Notons que l’AFFO n’a, au demeurant, pas formulé d’observations dans ce domaine.
- (…)
J’émets un avis favorable (…) »
Commentaires de l’AFFO :
Là encore, on se moque du monde, en affirmant que « le choix de l’implantation en ZAC (…) permet d’éviter de recourir encore à l’utilisation de terrains agricoles » alors que la ZAC a été implantée, elle, sur des terrains agricoles !
Sur tous les autres motifs soulevés par l’AFFO : pas un mot, rien n’est repris ni dans les remarques, ni dans les observations et donc dans les conclusions ! Rien sur les alternatives possibles au projet (un seul projet soumis : c’est donc « oui » ou « non » !), rien sur les économies d’énergie (une demi page du courrier envoyé quand même !), rien sur les shelters dont l’architecture et l’intégration (ou l’absence d’intégration) dans le paysage laissent à désirer, sans parler de l’argument des terres agricoles balayé d’un revers de main sans être vraiment étudié.
Encore une occasion manquée pour un vrai débat sur les énergies renouvelables et la politique énergétique de notre pays, encore une enquête publique qui ne sert à rien (si ce n’est de faire perdre leur temps à quelques bénévoles déjà bien surchargés), encore des avis de citoyens ou/et d’associations ignorés et pris de si haut que cela donne le vertige !